On va poursuivre notre réflexion sur les révoltes Arabes: après l'anthropologue Malek Chebel, l'écrivain Hervé Kempf et le philosophe Alain Finkielkraut, la parole aujourd’hui à Michel Onfray. Notre correspondant à Paris, Mehmet Gultas, a demandé au philosophe français s'il redoutait l'émergence de l'islamisme dans les pays arabes en ébullition.
Onfray: Eh bien vous savez, quand on connait un peu la Révolution Française on se dit que 1789 ne dit pas qu’il y aura 1793, c'est-à-dire que le vrai soulèvement démocratique, les États Généraux, la possibilité de demander des Droits de l’Homme, tout ça n’induit pas qu’il y aura un jour une guillotine et des charrettes remplies de condamnés à mort pour des raisons totalement délirantes. Donc il faut bien sérier les choses: le début d’une révolution n’est jamais que le début d’une révolution. Donc c’est un soulèvement, c’est une insurrection. On parle de démocratie, on parle de liberté, et on parle d’en finir avec le dictateur, certes. Mais il y a aussi des gens qui veulent autre chose, et autrement. Je pense par exemple que tout ce qui concerne la revendication islamique, islamiste, musulmane, comme on voudra, mettons des guillemets à tout ça, elle n’est pas encore très claire ou très audible, mais elle est évidemment présente. On ne peut pas imaginer que dans une configuration comme celle-ci, c'est-à-dire un ébranlement de pouvoirs qui ont été manifestement opposés à l’islam, les musulmans n’aient pas le désir de jouer un rôle et de prendre leur place. Donc à l’évidence qu'il faut la prudence. Cette façon qu’a eue jadis Michel Foucault, de trouver extraordinaire une révolution islamique en Iran parce qu’elle permettait le retour du spirituel dans la politique, c’était quand même un peu audacieux et l’espèce de conception ultra-culturelle qu’il avait de l’islam, espèce de lecture des textes indépendamment de la réalité ou de la vérité, dans l’occurrence la théocratie, tout ça fait qu’effectivement on devrait tirer des leçons: éviter d’être imprudent et de dire des sottises. Donc il faut être attentif. L’histoire est en train de se faire, et on se doute bien d’une espèce d’occidentalophiles qui proposeraient autre chose que les Frères Musulmans, qui eux sont d’une autre logique. Il y avaient des Slavophiles et des Occidentalistes par exemple à l’époque de la Russie pré-soviétique et effectivement il y a une tradition Européenne occidentale, puis une tradition qu’on dira plutôt locale, mais tout ceci dit sans mépris, en considérant que la vérité du lieu, elle est plutôt islamique qu’occidentale.
Gultas: Est-ce-que les valeurs démocratiques peuvent s’inscrire dans des cultures politiques différentes de la nôtre, ou est-ce-que la culture occidentale a en quelque sorte le monopole des valeurs démocratiques selon vous?
Onfray: Ah, je pense qu’il faut opposer la démocratie et la théocratie. Ça me parait très clair que
naturellement les sociétés sont théocratiques. C'est-à-dire que depuis le monde est Monde, on peut l’imaginer même dans l’hypothèse la plus absolue, que celui qui dit tenir son pouvoir de Dieu, du Divin ou de la Divinité, euh, il a effectivement plus de pouvoir que celui qui dira le tenir du peuple, du contrat, de l'assentiment général. Il sait, parce qu’on a derrière soi prétendument Dieu, ou les Dieux, et qu’on peut menacer de l’Enfer, qu’on peut menacer de foudres éternelles, que l'on peut disposer d’un réel pouvoir. Et je dirais: la démocratie c’est une acquisition tardive. Cette idée que la politique, elle ne se fait pas avec Dieu ou ceux qui parlent au nom de Dieu, mais qu’elle se fait avec les hommes, au nom du Contrat Social. Et le contrat, c’est vraiment la démocratie, c’est la source de la démocratie, c'est l’idée que Dieu peut exister, mais il n’a pas à mettre son nez dans ce genre d’affaires. La démocratie c’est l’affaire de la politique pour les hommes par les hommes. La théocratie c’est l’affaire de la politique, mais prétendument par Dieu ou au nom de Dieu.
Gultas: Est-ce-que ça veut dire que islam et démocratie ne sont pas compatibles selon vous?
Onfray: Je pense qu’effectivement il y a une incompatibilité, essentielle, fondamentale entre l’islam et la démocratie, puisque le principe de l’islam c’est que Dieu est tout, tout vient de Dieu, la vérité, elle est divine, et que la théocratie fait partie de l’islam. Donc on n’est pas dans le jugement de valeur, simplement quand on dit voilà en matière d’islam si, effectivement dieu est la vérité du politique, alors on est dans une logique théocratique, et si on est dans une logique théocratique, on n’est pas dans une logique démocratique. L’idée que, un islam pourrait être ‘
des Lumières’ ou être
éclairé, et qu’il pourrait être compatible avec la démocratie, suppose un islam qui n’est plus l’islam. Dans le corps même du coran, où il n’est pas question de changer une virgule, puisque la Parole est révélée, et que modifier une virgule ça veut dire qu’on touche à la parole de Dieu, dans cette parole où on nous dit qu’il y a une inégalité parmi les hommes, qu’il y a les croyants au Livre, et puis il y a les infidèles, que dans les croyants au Livre, il y a les musulmans et puis ensuite les juifs et les chrétiens, ce texte qui est antisémite, ce texte qui est misogyne, ce texte qui est homophobe, est un texte dans lequel on ne peut rien changer véritablement. On ne peut imaginer qu’on puisse dire que le coran dit la vérité, sauf là, sauf là, sauf là, sauf là! Le coran
dit juste, sauf quand il parle des femmes, le coran
dit juste, sauf quand il parle des juifs, le coran
dit juste, sauf quand il parle des homosexuels, le coran
dit juste, sauf quand il parle des infidèles, le coran
dit juste, sauf quand il dit qu’on peut égorger les infidèles, et que, et que, etcetera. Et donc: c’est à prendre ou à laisser.
Gultas: Est-ce-que vous estimez que finalement, les pays arabes de nos jours ne sont suffisamment, comme disent certains,
mûrs, pour pouvoir établir un régime véritablement démocratique et laïc?
Onfray: Non, je ne pense pas comme ça. La France de 1789 n’était pas
prête pour la Révolution, et il y a eu 1789. Et quelque temps plus tard Bonaparte, qui deviendra Napoléon, et donc, on ne peut pas dire: il y a des pays qui ne sont pas faits pour la démocratie parce que ils n’ont pas de tradition démocratique. Il y a des conditions qui font que des individus, des figures, des personnages qui peuvent émerger, sont des individus qui peuvent réaliser la démocratie dans un lieu. Simplement la Tunisie n’a pas été un lieu démocratique et l’Egypte non plus, et effectivement quand on ne permet pas à des démocrates d’exister dans un pays, c'est-à-dire de préparer une relève, quand les dictateurs s’effondrent, la relève n’est pas là. C’est toute la question de l’émergence du Grand Homme. Il faudrait faire une espèce de lecture Hégélienne. Le grand homme fait l’histoire, l’histoire fait le grand homme. Là, pour l’instant l’histoire est susceptible de faire le grand homme, mais quel grand homme est susceptible de faire l’histoire aujourd’hui? C’est tout l’intérêt de la situation.
We zetten onze beschouwingen over de Arabische revoltes voort: na de antropoloog Malek Chebel, de auteur Hervé Kempf en de filosoof Alain Finkielkraut, vandaag het woord aan Michel Onfray. Onze correspondent in Parijs, Mehmet Gultas, heeft de Franse filosoof gevraagd of hij niet bang was voor de opkomst van het islamisme in de opgewonden Arabische landen.
Onfray: Wel, weet u: wie de Franse Revolutie een beetje kent, zal bedenken dat 1789 niet tegelijk 1793 doet zeggen. Ik bedoel dat de werkelijk democratische opstand –de Staten-Generaal, de kans om Mensenrechten te eisen– dat dit alles niet meebrengt dat er op een dag een guillotine zal staan en dat er bij karrenvrachten ter dood veroordeelden om de meest krankzinnige redenen zullen zijn. Je moet de zaken goed op een rijtje houden: het begin van een revolutie is nooit meer dan het begin van een revolutie. Het is dus een oproer, een rebellie. Men spreekt over democratie, men spreekt over vrijheid, en men spreekt over afzetting van de dictator, voorzeker. Maar er zijn ook mensen die iets anders willen, en op een andere manier. Ik denk bijvoorbeeld aan alles wat de islamitische, islamistische, muzelmaanse eisen betreft –noem het zoals u wil, en laten we al deze termen tussen haakjes zetten–, die nog niet klaar en duidelijk hoorbaar zijn, maar evident wel aanwezig. Het zou toch onvoorstelbaar zijn dat in een constellatie als deze, ik wil zeggen bij de omverwerping van machten die openlijk tegen de islam opkwamen, de muzelmannen niet de wens zouden koesteren om een rol te gaan spelen en hun plaats in te nemen. Voorzichtigheid is dus geboden, vanzelfsprekend. De opvatting die Michel Foucault eertijds huldigde, om een islamitische revolutie in Iran formidabel te vinden, omdat die een terugkeer van de spirituele dimensie in de politiek mogelijk zou maken, die was toch wat vermetel, en het soort van ultraculturele voorstelling die hij zich maakte van de islam, wat neerkwam op een lectuur van de teksten los van de realiteit of de waarheid, meer bepaald de theocratie, dat alles maakt dat wij werkelijk lering zouden moeten trekken en onverstandigheden of dwaze uitspraken vermijden. Men dient uit te kijken. Er wordt geschiedenis geschreven, en men hoede zich voor het soort occidentalofielen die
iets anders voorstellen dan de Moslimbroeders, die volgens een andere logica denken. Er waren in het Rusland van voor de Sovjettijd bijvoorbeeld al Slavofielen en Occidentalisten, en inderdaad er bestaat een Europese westerse traditie, met daarnaast een meer locale traditie, dit gezegd zonder enig misprijzen en in de wetenschap dat de ware plaatselijke toestand eerder islamitisch is dan westers.
Gultas: Kunnen democratische waarden een plek vinden in culturen die verschillen van de onze, of heeft volgens u de westerse cultuur er om zo te zeggen het monopolie van?
Onfray: Ah, ik denk dat men democratie en theocratie tegenover elkaar moet plaatsen. Het lijkt me heel duidelijk dat van nature uit samenlevingen theocratisch zijn. Dit wil zeggen dat sinds de wereld een Wereld werd, men zich ook in de strengste hypothese kan indenken dat diegene die zegt zijn macht te betrekken van God, het Goddelijke of de Godheid, wel, dat die effectief meer macht heeft, dan wie zal zeggen dat hij de zijne kreeg van het volk, door contract, door de publieke bijval. Hij weet dat als men zogenaamd God, of de Goden achter zich heeft, er met de hel gedreigd kan worden, met eeuwige banbliksems gedreigd, en dat je dan over reële macht beschikt. En laat mij zeggen: democratie is een late verworvenheid. Het is de idee dat politiek niet met God bedreven wordt, of met diegenen die spreken in de naam van God, maar wel onder de mensen, en in naam van het Sociaal Contract. En het contract is het beginsel van de democratie, het is de bron van de democratie, het is de opvatting dat God wel mag bestaan, maar dat hij in dit soort zaken zijn neus niet moet steken. Democratie draait om een politiek voor en door mensen. Theocratie is ook politiek, maar dan zogenaamd door God of in naam van God.
Gultas: Betekent dit volgens u, dat islam en democratie onverenigbaar zijn?
Onfray: Ik denk inderdaad dat er tussen islam en democratie onverenigbaarheid is, wezenlijk en ten gronde, aangezien het uitgangspunt van de islam is dat God alles is, dat alles van God komt, dat de waarheid goddelijk is, en dat de theocratie deel uitmaakt van de islam. Daarmee spreken wij geen waardeoordeel uit, maar eenvoudig dit: als men zegt, dat wat de islam betreft God inderdaad het beginsel van de politiek is, dan zit men in een theocratische gedachtegang, en als men in een theocratische gedachtegang zit, dan zit men niet in een democratische gedachtegang. De opvatting dat er een Aufklärung mogelijk is, of dat er een Verlichte islam kan bestaan, en dat hij dan compatibel zou zijn met de democratie, veronderstelt een islam die geen islam meer is. In de tekst zelf van de koran, waarvan het ondenkbaar is om er een komma in te wijzigen, want het Woord is geopenbaard, en een komma wijzigen zou betekenen dat men sleutelt aan het woord van God, aan dat woord, dat ons zegt dat de mensen er ongelijkheid is tussen de mensen, dat er de gelovigen van het Boek zijn, en verder de ongelovigen, en dat er bij de gelovigen van het Boek muzelmannen zijn, en verder nog joden en christenen, deze antisemitische tekst, deze misogyne tekst, deze homofobe tekst, is een tekst waaraan niets wezenlijks veranderd mag worden. Het is toch niet denkbaar dat men zou kunnen zeggen: de koran spreekt de waarheid behalve daar, en behalve daar, en behalve daar, en behalve daar! De koran heeft gelijk behalve wanneer hij over de vrouwen spreekt, heeft gelijk behalve wanneer hij over de joden spreekt, heeft gelijk behalve wanneer hij over de homoseksuelen spreekt, heeft gelijk behalve wanneer hij over de ongelovigen spreekt, heeft gelijk behalve wanneer hij zegt dat ongelovigen de keel mag worden overgesneden, en wanneer, en wanneer, enzovoort. En dus: het is te nemen of te laten.
Gultas: Tot slot: zijn naar uw inschatting de Arabische landen vandaag, zoals sommigen zeggen, onvoldoende
rijp om een waarachtig democratische lekenstaat op te richten?
Onfray: Zo denk ik niet, nee. In 1789 was Frankrijk niet
klaar voor de Revolutie, en toch was er 1789. En enige tijd later Bonaparte, die Napoleon zal worden, en dus kan men niet zeggen: er zijn landen die voor de democratie ongeschikt zijn, want zij hebben geen democratische traditie. Omstandigheden bepalen of de individuen, figuren, personen die mogelijk opdagen, individuen zijn die de democratie tot stand kunnen brengen op een bepaalde plek. Nu is het simpelweg zo dat Tunesië geen democratische plek was, en Egypte al evenmin, en als men in een land inderdaad verhindert dat democraten er kunnen leven, wat neerkomt op het voorbereiden van de aflossing tegen dat de dictators ten val komen, dan is die aflossing niet voorhanden. Dat is de hele vraag rond het verschijnen van de Grote Man. Je zou dan een soort Hegeliaanse interpretatie moeten geven. De grote man maakt de geschiedenis, de geschiedenis maakt de grote man. Nu, op dit moment is de geschiedenis in staat om die grote man voort te brengen, maar welke grote man is vandaag in staat om geschiedenis te maken? Dat is het belangwekkendste van de situatie.