Een Egyptische christen over de Arabische Lente
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De journalist Gauthier Rybinski van France24 ontvangt de jezuïet Henri Boulad, en vraagt hem wat hij denkt van de Egyptische verkiezingen, en van de verhouding tussen islam en democratie. Boulad is van Syrisch-Italiaanse afkomst, in Egypte geboren in 1931, en hij heeft er ook altijd gewoond, op zijn studietijd in Frankrijk en de VS na. Nu vrees ik dat de man niet denkt zoals de doorsneejournalist hier het graag heeft, maar enige expertise zal onze journalist hem toch niet kunnen ontzeggen, ook niet als hijzelf eens op het Tahrirplein heeft gestaan, en daar een Egyptische iPadbezitter zijn verhaal heeft horen doen in het Engels.
Boulad kijkt uit naar wat de moslimbroeders en president Morsi zullen presteren. Want wat Morsi ook vertelt over democratie en dergelijke, en wat bij sommigen erin gaat als gesneden brood, hij gelooft het niet. Als theoloog en nog meer als Egyptische christen kent hij de islam grondig, met alle tactieken en valstrikken. Volgens hem is de islam onverenigbaar met de democratie. Ja, de man is niet politiek-correct.
Hieronder mijn transcriptie en vertaling, maar eerst een paar termen die Boulad zomaar gebruikt:
Ulema ( علماء; meervoud van عالِم Ālim “geleerde”)
Tafsīr ( تفسير “interpretatie”)
Taqiyya ( التقية “vrees, verdediging”)
Muʿtazilah ( المعتزلة “isolationisten”)
Ijtihād ( اِجْتِهاد “denkoefening”)
Le fondamentalisme musulman se veut être un retour aux sources de l’islam, c’est-à-dire à l’islam médinois, qui a été l’islam reconnu, accepté par les ulémas de toutes les confessions de l’islam sunnite et qui est en train de gagner le monde entier à travers la Confrérie des Frères musulmans.
Le monde entier, c’est-à-dire le monde arabo-musulman, ou l’ensemble du monde ?
Le monde arabo-musulman dans une première étape, l’Europe dans une deuxième étape, le Canada et les Etats-Unis dans une troisième étape, et puis le reste. En d’autres termes, le plan des Frères musulmans et des islamistes de façon plus large, est une reconquête du monde, ou une conquête du monde à l’islam.
Cette conquête, elle passe par une régression, par quelque chose finalement de réactionnaire sur un certain nombre de principes, ou bien est-ce que c’est un islam nouveau ?
Non ce n’est pas un islam nouveau, c’est l’islam le plus pur, le plus traditionnel qui soit…
Le plus pur c’est ambigu comme terme.
Le plus pur, c’est-à-dire tel que l’islam s’est défini au dixième siècle, en refusant trois principes fondamentaux: que le coran est incréé, et non créé, alors que les philosophes de l’époque, les mutazilites, avaient opté pour un coran créé; deuxième option, que les versets médinois qui sont des versets appelant à la guerre à la violence et à l’intolérance, remplacent les versets mecquois, qui étaient des versets mystiques et religieux et ouverts.
Là, ça veut dire par exemple que les musulmans au pouvoir en Egypte sont pour la première option de ce que vous venez de dire, c’est-à-dire qu’il y a cette interprétation [absolument...], on va dire violente, des effets du coran?
Fondamentalement. Fondamentalement, mais comme en islam il y a le principe de la taqiyya, la taqiyya c’est cette technique ou cette stratégie de mensonge, de duplicité, pour tromper l’autre si c’est pour le bien de l’islam. Et donc, c’est non seulement un droit, c’est un devoir pour tout musulman, pour atteindre son but, qui est l’islamisation du monde, de mentir, de tromper l’autre, et ceci en toute, en toute impunité si je puis dire.
Et ça veut dire donc que pour vous il n’y a pas d’islam qui puisse s’accommoder de la démocratie? On pense souvent à la Turquie quand on dit cela. Est-ce que c’est une vue de l’esprit?
C’est une vue de l’esprit. L’islam, l’islam turque est provisoirement, disons tolérant, ouvert, mais, il y a incompatibilité totale entre islam et démocratie, incompatibilité totale entre islam et laïcité. Et les musulmans qui sont pour la démocratie et la laïcité, trahissent l’islam, tel que le proclament les fondamentalistes.
Mais en même temps ils restent musulmans profondément, quand même.
Ils restent musulmans, mais ce n’est pas l’islam orthodoxe. C’est un islam à la sauce, moderne. C’est peut-être le seul compatible avec la modernité, mais lorsque, c’est là que l’islam est dans l’impasse. J’avais comme titre de conférence l’année dernière: «L’islam peut-il se réformer sans se dénaturer?» L’islam peut-il se moderniser sans se dénaturer? Je mets ça sous forme de question, mais pour moi la réponse est: il ne peut pas. Il ne peut pas demeurer islam sans se dénaturer.
Donc ce que vous dites, c’est que finalement l’islam originellement a dans ses entrailles, le fondamentalisme que l’on connaît aujourd’hui?
Absolument.
Et qu’il n’y a pas d’exceptions?
Il y a des exceptions, mais qui sont des dérives par rapport à l’islam qui s’est toujours voulu ce que je viens de dire. Le combat se joue au dixième siècle à peu près, n’est-ce pas. Donc je vous disais: coran incréé donc intouchable, deuxièmement versets médinois remplacent, abrogent les mecquois. Et troisième option: interdit de réfléchir après le dixième siècle, c'est ce qu’on appelle la fermeture de la porte de l’ijtihād. Et tous les musulmans intellectuels qui ont tenté une réforme de l’islam, se sont faits eux assassinés, ou mis à l’écart, ou condamnés. Dont nous avons un grand nombre de cas.
L’occident face à cela, vous trouvez qu’il se comporte en instance critique, ou bien craintive, ou bien est-ce qu’il y a la réparation d’un complexe colonial vis-à-vis d’anciens territoires, ou on accepterait l’islamisme au nom de la différence ou du respect à la différence des peuples?
L’occident vit dans un complexe de culpabilité par rapport au passé et cherche à racheter cela. Et dès que, au nom de ses propres principes de démocratie et de liberté il combat l’islamisme, il se fait taxer d’islamophobie. L’islamophobie, c’est la nouvelle arme des Frères musulmans actuellement en occident, pour pénétrer comme dans du gâteau, n’est-ce pas. Et à mon avis, à mon avis l’occident est d’une naïveté monumentale, par rapport à ce qui se passe actuellement. Cette infiltration progressive de l’islam en occident, qui est un plan clair comme le jour, mais que beaucoup ne veulent pas voir, pour ne pas se faire traiter…
Comment est-il si clair ce plan? Parce que, au fond vous êtes en train de me décrire un mouvement de type fascisant, le fascisme vert. C’est un peu ça que vous me décrivez.
Absolument. Mais, allez écouter les discours dans les mosquées le vendredi à travers tout le monde arabe et musulman. Écoutez ! Écoutez ce qu’ils disent, n’est-ce pas. N’écoutez pas ce qu’on vous dit autour de tables rondes à Paris ou à Washington, n’est-ce pas. Écoutez ce qu’ils disent. Ils disent: notre projet est de conquérir le monde par tous les moyens, n’est-ce pas, et les occidentaux sont assez gentils, assez naïfs pour croire les propos que nous leur tenons. C’est pour ça que le discours de Morsi en ce moment, disant, on aura… je suis le chef de tous les Égyptiens, ne craignez rien, démocratie, laïcité… mais c’est pas possible, ça ne va pas ensemble, n’est-ce pas.
C’est inconsubstantiel finalement, vous dites.* De manière intrinsèque l’islam n’est pas perméable à une forme de modernité qui est la démocratie.
Non.
Absolument pas ?
Non. L’islam tel qu’il s’est choisi, tel qu’il s’est voulu. Qu’il y ait des musulmans qui pensent comme ça, par exemple un Abdennour Bidar, ou [xxx], ou d’autres, n’est-ce pas, qui, qui veulent promouvoir l’islam moderne, l’islam démocratique, l’islam républicain: ils sont de bonne foi, et ils voient que c’est la seule issue, la seule possibilité. Mais ils se font condamner par les autres. Et qui a raison? Mais, ce sont les autres, qui disent : tu n’es pas fidèle aux principes de l’islam.
Euh, alors, je parlais de l’occident. Il y a deux attitudes, il y a une attitude une précédente qui consistait finalement à ne pas remettre en cause des régimes autocratiques, despotiques, par la peur justement de l’islamisme, et maintenant vous craignez que l’on soit trop tolérant, trop laxiste vis-à-vis de l’islamisme tel qu’il se présente aujourd’hui?
Peut-être c’est la seule issue pour que l’islamisme fasse tomber le masque n’est-ce pas. Peut-être que, il faut qu’il passe par la prise de pouvoir, et montre son incapacité à gérer une société avec sa charia, qui n’a aucune réponse à apporter aux problèmes contemporains, pour que finalement on se dise, bon, voyez. Mais, la preuve c’est en Égypte-même. Le passage… ils ont perdu cinquante pourcent de leurs voix, entre les législatives et les présidentielles.
Et ça, vous dites, c’est le résultat de l’usure déjà, du pouvoir?
Non, c’est le résultat du fait que les Égyptiens ont démasqué ces islamistes en disant : ils nous mentent. Et leurs pseudo-solutions ne sont pas des solutions. C’est pour ça qu’ils ont perdu une crédibilité considérable entre les législatives et le présidentielles. Par conséquent moi je pense que, d’une certaine manière l’accession de Morsi à la présidence est une bonne chose. Pourquoi? Parce que elle va permettre de voir au jour ces gens-là, dans leur absence de solutions à des problèmes réels concrets.
Donc, bas le masques !
Oui, bas les masques, et montrez-nous ce que vous pouvez faire. Heu, c’est pour ça finalement que j’étais assez content de la victoire de Morsi, parce que la victoire de Shafik aurait amené une guerre civile pratiquement, des massacres, des, des, bon. Maintenant montre ! Tu voulais le pouvoir, tu as le pouvoir. Montre-nous ce que tu sais faire. Alors, on verra. Évidemment nous sommes dans l’incertitude totale, mais au moins les choses sont claires, et on va vers un examen, un test de vérité, ce que j’appellerais.
Est-ce que il y a une alternative à ce fondamentalisme? Une alternative politique je veux dire, aujourd’hui en Égypte.
Non. Non, la démocratie n’est pas une alternative parce qu’elle est refusée par les autres. Ils vont s’accrocher, ils vont lutter, ils seront jetés en prison, ils seront torturés, mais ils continueront leur combat. Ce sont des irréductibles, les islamistes sont des irréductibles. Appelez ça Frères musulmans ou salafistes, c’est du pareil au même, n’est-ce pas. C’est-à-dire que, c’est une chose, ils sont, c’est un fascisme, c'est-à-dire, une idéologie totalitaire, n’est-ce pas, qui refuse toute autre alternative et tout autre perspective, autre que la leur. Alors, euh, et l’occident, l’occident est très mal armé pour faire face, parce que, il ne veut pas écouter d’autre voix que la sienne. Nous, chrétiens d’orient qui ont vécu ça, moi en 1860 mon grand-père a échappé à un massacre de vingt mille chrétiens à Damas. Bon. Nous avons ça dans notre chair. J’ai rencontré encore ces derniers jours deux anciens, deux arméniens qui ont échappé au génocide. Celui qui a vécu une réalité, peut en parler en connaissance de cause. En occident, nous sommes en des catégories abstraites, et dans un politiquement correcte qui est en train de vous tuer.
* (in)consubstantiel: de journalist gebruikt een term uit de theologie (zowel katholiek als protestants), waarmee de eenheid van de Drievuldigheid wordt aangeduid, of de gelijktijdige aanwezigheid in brood en wijn, van het lichaam en bloed van Christus: wezenseen.
Waar kunnen we politiek gesproken het moslimfundamentalisme vandaag in Egypte plaatsen?
En dan het Westen. Het Westen is heel slecht gewapend om hieraan het hoofd te bieden, want het wil naar geen andere dan naar zijn eigen stem luisteren. Wij, christenen van het Oosten hebben het meegemaakt, zoals in mijn geval mijn grootvader die in 1860 is ontkomen aan de slachting van twintigduizend christenen in Damascus. Ach, het zit in ons lijf. Laatst zag ik twee oud-strijders, twee Armeniërs die aan de genocide waren ontsnapt. Hij die het in werkelijkheid heeft meegemaakt, kan met kennis van zaken spreken. In het Westen blijft het bij abstracte categorieën, en bij een politieke correctheid, die bezig is u te doden.
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